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Une Couronne d’Os & d’Epines – Emily Norsken : la narration face à la construction d’univers

Bonjour tout le monde ! Je vous retrouve aujourd’hui pour vous parler de ma dernière lecture. Il s’agit d’Une Couronne d’Os et d’Epines d’Emily Norksen. Ce roman fait partie des 5 finalistes du PLIB 2022.

Titre : Une Couronne d’Os et d’Epines

Auteurice : Emily Norsken

Editeur : Les Trois Nornes

Pages : 570

Servir le royaume qu’importe le prix, qu’importe le moyen.

Bien au Nord, sur le royaume de Cnàimh, les Dieux, les Anciens et le Os veillent. Le souvenir du roi Teodor dit le Boucher hante toujours ses habitants. Pour survivre aux hivers glacials du dieu Wyrn, ces terres doivent rétablir les alliances défaites sous la lame des conquêtes du feu dirigeant sanguinaire.

Nayla appartient au sang sombre, la chamane l’a désignée ainsi lors de son rituel de passage. Corbeau, elle devra devenir. Elle doit rejoindre cet ordre de femmes pour devenir les yeux et les oreilles du roi des Os, Ingvar le Juste. Guidée par la Reine des Corbeaux, Frihër Agn, Nayla devient Nå, son héritière.

Une Couronne d’Os et d’Epines, c’est l’histoire de Nayla, une petite fille qui, lors de sa cérémonie de passage à l’âge adulte, va découvrir qu’elle est infertile. Au royaume des Os, les porteuses du « sang sombre » sont menées au palais pour devenir des Corbeaux, un ordre féminin agissant comme les yeux et les oreilles du roi. Nayla va s’y découvrir un destin exceptionnel. En côtoyant les coulisses du pouvoir, elle va se retrouver plonger dans ses complots les plus terribles…

Waouh, quelle belle brique ! Presque 600 pages, écrites en tout petit. La maison d’édition a fait le choix de concentrer cette histoire en un one-shot et il faut de la place pour contenir un univers aussi riche. Pour ne pas perdre le lecteur, le défi est de trouver un rythme soutenu et une tension narrative nous empêchant de lâcher le livre. Le pari est à moitié réussi : si j’étais vraiment emportée par la première partie, j’ai plus de réserves concernant la seconde. Dès que l’on s’éloigne trop du royaume des Os et que nos personnages se perdent dans d’autres contrées, j’ai eu du mal avec certains passages où j’étais tentée de sauter certaines pages. L’ironie ? L’auteurice place certaines ellipses exactement là où mon intérêt était grand, donc je ressentais une certaine frustration. Par exemple, la formation de Nayla pour devenir corbeau (l’élément qui m’intéressait le plus à la lecture du résumé) n’est pas assez évoquée à mon goût, car elle passe à la trappe pour la retrouver des années plus tard au chapitre suivant. Puis Nayla part pour sa première mission à l’étranger et hop ! La narration nous glisse une ellipse de 6 mois, ce qui fait que nous ne voyons pas la découverte de ce royaume, comment la protagoniste s’y est installé ou comment elle a pu créer des liens avec les personnages y demeurant. Je comprends que ce n’était pas l’intrigue poursuivie par l’auteurice, mais j’avais parfois l’impression qu’il me manquait des éléments pour apprécier pleinement le parcours de Nayla.

Je finis par reconnaître le symbole : le « Tout » ; une encre qui répondait à ma propre peau, moi qui portais le « Vide ».

Heureusement, la plume d’Emily Norsken est très agréable à lire. On sent déjà tout le potentiel de ce premier roman, mais également des maladresses dans le choix de la narration (ce qui explique pourquoi je n’ai pas mis une note plus haute). Petite liste non exhaustive : Des enfants de onze ans qui, parfois, parlent et agissent comme des adultes, si bien que je ne ressentais pas d’évolution quand je les retrouve, après l’ellipse, devenues adultes. Un engagement féministe revendiqué, que je trouve parfois un peu cliché (l’héroïne vous fera bien comprendre que sa place n’est pas à la cuisine ! par contre, la sororité des Corbeaux n’est pas assez mise en avant à mon goût et c’est pour moi une occasion ratée). Une héroïne qui perd son nom d’enfant pour devenir Na, son nom d’adulte, pourtant on continue de la nommer Nayla par la suite, donc je n’ai pas compris la symbolique de ce changement de nom… Un peu trop de Tell et pas assez de Show… Je m’explique : plutôt que de nous faire ressentir les émotions de Nayla, on nous dit que ce qu’elle ressent. Elle est triste de ne plus voir Sigrid, sa femme de chambre, alors qu’aucune scène de nous montre qu’elles étaient proches. Elle dit être inconsolable de la mort d’un proche, mais je ne la vois pas l’être dans ses faits et gestes. Deux personnages finissent en couple, alors que leur relation n’est pas du tout montrée du roman, donc ça tombe comme un cheveu sur la soupe à la fin.  A cause de cela, j’avais parfois l’impression que Nayla était la spectatrice de sa propre histoire et j’avais du mal à être engagée émotionnellement dans certaines scènes. Je pense qu’avec un univers d’une telle richesse et de si nombreux personnages, la narration à la première personne dessert l’intrigue. J’aurais préféré avoir plus de passages du point de vue d’autres personnages (l’auteurice le tente un peu avec Bromn), ce qui permettrait de les dépeindre dans toutes leur complexité plutôt que se limiter au prisme de Nayla.

Le charme, entre de bonnes mains, peut devenir une arme redoutable. Mais l’intelligence possède un tranchant bien pire, car elle perdure et ne fait que s’affiner avec le temps.

J’ai tout de même pu m’attacher à certains personnages, comme Trystan, Micah (un des plus intéressants selon moi) ou Cerenina. La relation que tisse cette dernière avec Nayla est très touchante, de même que la belle histoire de l’héroïne avec son protecteur Bromn. J’aime aussi Za’an, personnage non-binaire, qui malheureusement n’apparait pas assez à mon goût. J’ai nettement plus de réserve concernant une certaine relation amoureuse qui va se développer dans la seconde partie du roman, à cause du manque d’implication dont je parlais plus tôt. Quant à l’antagoniste, je l’ai trouvé tellement intéressante (elle me fait penser à Kirsten, la protagoniste de mon roman Le Reflet Brisé, pour vous donner une idée à quel point j’aime ce genre de personnage), que j’aurais aimé la suivre davantage ! Quant à la fin, je l’ai beaucoup apprécié, la trouvant méritée d’après le ton du récit et ses péripéties.

En parlant de fin, je vous ai gardé le meilleur pour celle de cette chronique. La véritable force d’Emily Norsken, c’est la création d’univers. Je salue son travail édifiant, puisqu’iel réussit l’exploit de créer non pas une, mais plusieurs civilisations différentes (puisque Nayla va beaucoup voyager au cours de l’intrigue). Chaque pays a son système politique, ses coutumes, ses croyances… Le roman nous donne un aperçu des panthéons de chaque religion, notamment grâce à ses contes et légendes glissés entre les quatre parties du livre. J’ai adoré comment ces passages trouvaient par la suite écho dans l’intrigue. Grâce à cela, le royaume des Os est palpable et c’est clairement ce que j’ai préféré durant ma lecture. L’auteurice a parlé de Kushiel dans ses inspirations (que je n’ai encore jamais lu). J’y ai également vu un aspect de Mémoires d’une Geisha : d’une part parce que l’ordre des Corbeaux est un croisement entre les geishas et les espionnes, d’autres part parce que certaines scènes (l’Enchère, la blessure aux ciseaux) et certaines relations (Nayla et Klae, Frihër Agn) me font vraiment penser à ce fim (que j’adore).

Même si j’ai des réserves sur certains points, j’ai ressenti le grand potentiel de l’auteurice, que ce soit dans sa plume et dans les mondes qu’iel dépeint. C’est pourquoi, malgré quelques longueurs, la lecture de ce roman a été un véritable voyage au royaume des Os. Je suivrai donc avec attention ses prochaines publications.

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