Bonjour tout le monde ! Je vous retrouve aujourd’hui pour vous parler de ma dernière lecture. Il s’agit de Rocaille de Pauline Sidre. Ce roman faisait partie des 5 finalistes du PLIB 2021.

Titre : Rocaille
Autrice : Pauline Sidre
Editeur : Projet Silex
Pages : 487
Gésill ne dort plus depuis qu’il est mort.
Assassiné puis ramené à la vie par les Funestrelles, des brigands sans scrupules qui voudraient le voir reprendre son trône, l’ancien roi Gésill n’a plus goût à rien.
Son sang vert, autrefois seule source de végétation de la Rocaille, s’est tari. Il pourrit. Seul un représentant des Magistres, ces êtres mythiques exterminés par les ancètres de Gésill, pourrait y remédier.
Aussi, lorsque les Funestrelles, accompagnés du défunt, se mettent en quête de trouver un jeune homme qu’on dit leur dernier descendant, ils sont loin d’imaginer que leur découverte ébranlera toutes leurs certitudes. Sur la Rocaille comme sur eux-mêmes.
La première fois que j’ai entendu parler de Rocaille, ce fut lors du PLIB 2021. Ce prix permet tous les ans de faire de belles découvertes et cette année-là le premier roman de Pauline Sidre a réussi à se faire une place parmi les 5 finalistes. Aussitôt séduite par le résumé et cette couverture plus que magnifique, j’avais l’idée d’un récit aride et rocailleux, étrange, surprenant. Ayant loupé la campagne lancée par l’éditeur (Projets Sillex ayant la particularité de n’éditer ses ouvrages que par financement participatif), j’ai dû attendre plusieurs fois sa réouverture pour enfin avoir ce magnifique objet livre entre les mains.
Rocaille, c’est donc l’histoire du roi Gésill, assassiné puis ressuscité par les Funestrelles, une bande de brigands. Dans un monde aride où plus rien ne pousse, ravagé par une météo déréglée, le roi déchu va tout faire pour retrouver son trône, quitte à partir à la recherche du dernier Magistre, survivant d’un peuple disparu… Là commence une aventure classique en apparence, mais qui se révèle beaucoup plus atypique que ça.
Elle adorait le grondement de l’orage, la pluie lui dégoulinant dans les yeux, les frimas givrant ses cheveux, elle saisissait la neige à pleines mains pour la goûter du bout de la langue. Elle était une Funestrelle aguerrie, fille du froid et de la glaise, attachée comme jamais à la Rocaille.
Premier point positif : son univers. Le monde de la Rocaille, comme son nom l’indique, est inhospitalier. Durant ma lecture, je n’avais aucun mal à me visualiser ce royaume déserté par la vie, où plus rien ne pousse à part quelques arbres desséchés dont la sève amère demeure l’unique moyen de subsister pour la population. On ressent ce manque de végétation, de fraicheur, cette acidité imprégnant l’atmosphère, que ce soit dans les alcools bus par les personnages ou dans leurs caractères piquants à en être désagréable. Cette ambiance proche de la fin du monde est due à une météo déréglée, signalant là la seconde particularité de l’univers dessiné par Pauline Sidre. Sur la Rocaille, le soleil ne brille jamais, du moins depuis des années. Chaque jour de la semaine apporte son intempérie. Brume, jour de poix ; Ventée, jour de souffle ; Ore, jour d’orage ; Grésil jour de grêle, Nive, jour de neige ; Gelée, jour de glace et Fonte jour de pluie. Cette comptine rythme le récit et l’existence des personnages.
Pourtant, dans ce monde aussi sec que le gravier, un espoir de verdure subsiste. C’est l’existences des Rois Verts, la dynastie régnant sur la Rocaille. Leur sang porte bien son nom, car ils sont les seuls êtres capables de faire pousser fleurs, fruits et légumes pour nourrir leur peuple. A l’abri dans leur château qu’ils ne quittent jamais, Gésill, son frère Natrell et sa sœur Sénielle ont grandi dans le privilège de la fraicheur, capables de se régaler à volonté tandis qu’à l’extérieur, la valeur d’une pomme est bien plus chère que de l’or. Petit problème de taille pour Gésill : une fois mort, le voilà desséché de son sang vert et incapable de verdir ses alentours. Comment régner de nouveau sans ce pouvoir ?
Au fond, Eliane compatissait. Elle avait bien compris, avec ses confidences de la veille, que l’état de mort vivant n’avait rien d’enviable. Ne plus pouvoir se saouler, quel malheur !
Je pourrais qualifier Gésill de « faux héros ». Il est l’élément déclencheur de l’intrigue, l’élément moteur des premières pages, avant de parfois laisser sa place à d’autres personnages. Loin d’être parfait, il n’est pas non plus la figure du anti-héros telle qu’on la retrouve souvent. Monarque incapable, il n’est pas un meilleur protagoniste une fois revenu à la vie. Oui, le portrait que j’en fait est loin d’être reluisant, pourtant j’ai adoré ce choix de l’autrice. Pauline Sidre nous dépeint un homme plus mort que vivant, tombant littéralement en lambeaux, perdant ses sens et ses besoins vitaux. L’expérience est particulière, presque repoussante et pourtant fascinante. Gésill est intéressant dans tout ce qu’il a de plus laid et pathétique, ce qui est l’essence même d’un cadavre ambulant.
Le véritable héros du roman, c’est Luèlde, le Magistre que Gésill doit retrouver pour mettre son plan de reconquête à exécution. Doit-on l’appeler Luèlde ou bien Epervier ou Cigale ? Difficile d’y répondre, tant il a adopté de noms différents dans ses dizaines de vie durant ses quelques années d’existence. Celles-ci parsèment la narration, nous permettant de comprendre davantage le parcours de ce personnage. Luèlde est un protagoniste plus classique, mais le duo qu’il forme avec Gésill donne lui donne tout son intérêt. Ses pouvoirs aussi, qu’il découvre et apprivoise. Brillant en permanence, capable de maitriser la terre sans parler de ses sens aiguisés, Luèlde est une pièce maîtresse pour déterminer l’avenir de la Rocaille. Pour le meilleur…ou pour le pire ?

Je sais que ce roman a aussi obtenu des avis mitigés, d’ailleurs j’en avais lus avant de commencer ma lecture. Peut-être cela explique-t-il pourquoi je l’ai autant aimée, moi qui m’attendait à quelque chose de bien pire ? On lui reproche son rythme trop lent, que j’ai pourtant trouvé parfait. On lui reproche certaines caractérisations de personnages, que j’ai pourtant trouvé très justes (non, le personnage féminin badass ne perd pas forcément sa force une fois qu’elle tombe amoureuse. On peut très bien savoir se battre et aussi avoir des sentiments, l’un n’annule pas l’autre). Oui, certains personnages ne sont pas sympathiques, voire désagréables, mais c’est clairement comme ça qu’ils ont été écrits, c’est voulu. Oui, certaines thématiques font froid dans le dos (attention, ce roman contient les thèmes de l’inceste et du viol conjugal), mais c’est justement ce que dénonce l’intrigue. Le monde de Rocaille est aride, autant dans son esthétique que dans son fonctionnement et c’est justement sa marque de fabrique.
Que ce soit l’univers, cruel et fascinant, la magie très originale ou les personnages atypiques, j’ai tout adoré durant ma lecture de Rocaille. Par sa plume aiguisée, Pauline Sidre construit une intrigue baroque et dépaysante. Ce fut un véritable régal, dont l’acidité pourrait cependant ne pas plaire à tout le monde.

D’autres avis sur Rocaille : Zoé prend la plume, Light and Smell, Les Fantasy d’Amanda, Un bouquin sinon rien, Gaelle Bretzel, Les inspirations d’Angélique, Samlore en livre, L’antre de Sylnor, Athena’s hobbies
Il va falloir que je le lise, je l’avais déjà repéré dans la sélection du Prix Aventuriales (prix de lecteurs de bibliothèques, je ne suis pas jurée mais je chapeaute les jurés de ma bibli). Ton avis donne très envie d’y jeter un oeil !
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J’espère qu’il te plaira autant, car j’ai vu qu’il ne faisait pas l’unanimité chez tous les lecteurs ^^’
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Arf… 😦 bon, vu qu’il est à ma bibliothèque, je l’emprunterai pour me faire mon avis ! (après tout, il y a des livres que j’ai adoré que d’autres n’ont pas aimé, et vice-versa, donc sait-on jamais…)
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Je suis bien plus mitigée que toi, notamment sur l’évolution du personnage féminin que j’ai trouvé problématique même si elle semble t’avoir bien plus convaincue, mais je te rejoins sur l’univers 🙂 Merci pour le lien !
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En fait, comme j’avais vu passer des avis assez négatifs sur ce personnage, je m’attendais à tellement pire ^^’ j’ai déjà été confronté à des romans où les persos féminins regressent à cause d’une romance, donc je pensais que ce serait aussi catastrophique, alors que finalement ça ne m’a pas dérangé tant que ça dans Rocaille x)
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C’est l’avantage des avis négatifs, nous permettre de relativiser après s’être attendu au pire 🙂
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Ouhlala pardonne-moi de ne venir commenter que maintenant, j’ai beaucoup de retard !
Merci beaucoup pour le lien 🙂 Je suis ravie que tu aies aimé ce roman ! C’est rigolo, cela m’est déjà arrivé de craindre un texte et du coup d’avoir quelque chose de « moins pire » que prévu et même d’apprécier ma lecture !
Rocaille a une place particulière dans ma tête. J’ai adoré son ambiance et son écriture, carrément bluffée par cet univers si bien retranscrit par les mots. Et en même temps j’ai eu du mal avec l’intrigue et les personnages, notamment le personnage féminin qui devient assez mièvre dès lors qu’elle tombe amoureuse.
Malgré tout, comme cela m’importe moins que l’écriture qui a été un coup de foudre, ce roman est à mes yeux une pépite ! J’aurais voté pour lui si j’avais été dans le plib l’an dernier.
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