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Babel – R.F Kuang : le renouveau de la dark academia ?

Bonjour tout le monde ! Je vous retrouve aujourd’hui pour vous parler de ma dernière lecture, effectuée dans le cadre de mon Pumpkin Autumn Challenge. Il s’agit de Babel de R.F Kuang. Après avoir été déçue de ma dernière lecture Dark Academia que j’ai fini par abandonner, je suis heureuse d’avoir tenté ce roman qui s’est avéré être un coup de coeur.

Titre : Babel : an Arcane History

Autrice : R.F Kuang

Editeur : HarperVoyager (la VF sortira bientôt chez De Saxus)

Pages : 542

1828. Robin Swift, orphaned by cholera in Canton, is brought to London by the mysterious Professor Lovell. There, he trains for years in Latin, Ancient Greek, and Chinese, all in preparation for the day he’ll enroll in Oxford University’s prestigious Royal Institute of Translation–also known as Babel.

Babel is the world’s center for translation and, more importantly, magic. Silver working–the art of manifesting the meaning lost in translation using enchanted silver bars–has made the British unparalleled in power, as its knowledge serves the Empire’s quest for colonization.

For Robin, Oxford is a utopia dedicated to the pursuit of knowledge. But knowledge obeys power, and as a Chinese boy raised in Britain, Robin realizes serving Babel means betraying his motherland. When Britain pursues an unjust war with China over silver and opium, Robin must decide…

En ce moment, je suis dans ma période Dark Academia, un genre que j’ai découvert avec Le Maître des Illusions de Donna Tartt, un roman que j’ai adoré. Il était donc évident que je voulais découvrir le livre qui se voulait comme « une réponse » à l’œuvre fondatrice du genre sortie trente ans plus tôt. Babel coche toutes les cases du genre : cadre universitaire, récit se déroulant dans le passé, réflexions philosophiques, société secrète, meurtre… Se rajoute à cela un système de magie original et le tour est joué.

Mais la force de Babel ne repose pas là. Le roman parvient à renouveler le genre en introduisant un angle nouveau. Les études, ici celles des langues, sont un prétexte pour interroger notre passé et notre monde. Plus qu’une réflexion sur la littérature, R.F Kuang aborde des sujets que je n’avais encore jamais vu traité dans le genre de la Dark Academia : le racisme et les conséquences de la colonisation.

Déjà, par le système de magie qui repose sur la traduction. En gravant sur un lingot d’argent un mot dans une langue, ainsi que sa traduction dans une autre, le métal produit l’effet voulu : il s’anime, il soigne, il fait disparaître et bien plus encore… Pour cela, il faut que le traducteur soit parfaitement fluent dans la langue. Qu’il rêve même dans ce langage. Les étudiants qui rejoignent Babel, l’école des traducteurs à Oxford, sont donc triés sur le volet… Problème : le pouvoir des langues utilisées finit par s’épuiser. Les langues mortes comme le latin et le grec ancien font de moins en moins effet et c’est aussi le cas des langues romanes. Pour contrer cette perte, l’Empire Britannique se tourne vers des langues « orientales », dont les différences dans l’alphabet, les significations et la culture vont pouvoir renouveler leur magie d’argent. Et comme ces pays possèdent également une quantité importante d’argent, métal dont la Grande-Bretagne a besoin pour conserver son plein pouvoir sur le monde, alors le prétexte est tout trouver pour la colonisation. On comprend très vite à quel point dans Babel, le savoir représente le pouvoir. On assiste, impuissants, aux manigances de ces riches hommes blancs, ces universitaires qui prétendent aimer le cantonais, le mandarin ou le sanskrit, tout en considérant ces peuples comme des sous-hommes.

Dans son intrigue, R.F Kuang dépeint avec brio le mécanisme fatal de la colonisation et le conteste. Par cela, le roman peut se montrer sombre et pessimiste dans cette réalité qui résonne encore aujourd’hui. L’intrigue se passe dans les années 1830 et nos protagonistes seront confrontés au racisme et à la misogynie de ce siècle. Il y a Ramiz, l’étudiant indien. Victoire, la jeune fille d’origine haïtienne dont les tuteurs français lui interdisent de parler créole. J’ai adoré ces deux personnages par leur personnalité et leur histoire de survivants.

Et puis il y a Robin Swift, notre héros, fils d’une femme chinoise et d’un homme blanc. L’autrice écrit la difficulté de trouver son identité quand on est ainsi divisé entre deux pays, deux cultures. Il y a aussi cette volonté de s’intégrer coûte que coûte dans cette société blanche, même si celle-ci ne l’acceptera jamais complètement. Le professeur Lovell, le père de Robin, n’a eu aucun remord à laisser la mère du garçon périr de la maladie. Et il n’a sauvé Robin que pour le ramener en Angleterre et utiliser son talent pour les langues dans sa conquête du savoir/pouvoir. Robin fera tout pour être aimé de ce père qui ne veut pas le reconnaître. Il aura peur, se montrera lâche et commettra des erreurs et pour cela je l’ai trouvé profondément humain. Le lien qu’il forme avec ces camarades de Babel m’a beaucoup touchée jusqu’à m’émouvoir aux larmes. C’est une belle histoire d’amitié, d’âme sœur dans l’adversité, de non-dits et de sentiments qui dépassent tout le reste.

Mais le sous-titre complet de Babel est celui-ci : La nécessité de la violence. Il arrive un moment de basculement, où Robin ne supportera plus les injustices. Parfois, quand les mots ne suffisent plus, seule la violence demeurera. Il faut viser le savoir, faire s’effondrer ses tours. Mais la violence est peut nous échapper et elle n’épargne personne. Certaines scènes m’ont révoltée, d’autres m’ont fait pleurer toutes les larmes de mon cœur. J’ai saigné en même temps que Robin, Ramiz et Victoire. Et quand j’ai refermé le livre, j’ai su qu’une part de moi resterait toujours auprès d’eux, coincée entre ses pages.

Babel est une ode aux langages, à leur diversité et leur beauté. C’est un plaidoyer contre les ravages de la colonisation, encore vivaces aujourd’hui. C’est une déclaration d’amour à l’art de la traduction et la pluralité des mondes. Ce roman fut une claque et il s’imposera sûrement comme l’une de mes meilleures lectures de l’année 2023.

Coup de ♥

5 réflexions au sujet de “Babel – R.F Kuang : le renouveau de la dark academia ?”

  1. Je l’avais déjà repéré en VO depuis des lustres, mais j’attendais une VF (j’ai peur de passer à côté de subtilités avec la VO). Ceci dit, vu que la VF va paraître chez De Saxus, j’ai quelques craintes (même si apparemment c’est Michel Pagel qui se chargera de la traduction). Peut-être qu’au final je me tournerai vers la VO… En tout cas, vu ton retour, il est clairement dans ma wishlist, ça c’est sûr !

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